Sciences Po Paris :
halte aux attaques contre les libertés académiques et d’expression !
D’après ce que rapportent les médias, le 12 mars, alors que des étudiants s’étaient rassemblés dans le cadre d’une « journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine », une étudiante souhaitant accéder à l’amphi où se tenait cette réunion en aurait été empêchée en tant que militante sioniste.
La direction de Sciences Po Paris a diligenté une enquête en vue de la saisine de la section disciplinaire de l’établissement. Les résultats de cette enquête sont attendus.
Il n’en a pas fallu plus pour qu’aussitôt les plus hautes autorités politiques se saisissent de la rumeur, transformant cet incident en une affaire d’État : les ministres de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’égalité hommes/femmes, la présidente de la Région Ile-de-France, ont exprimé leur réprobation envers la tenue de cette AG dans les termes les plus violents et les plus inadéquats, Aurore Bergé allant même jusqu’à écrire : « Ce qui s’est passé a un nom : l’antisémitisme » ! Le président de la République dénonce quant à lui des propos « inqualifiables et parfaitement intolérables ». De quels propos s’agit-il ? Nul ne le saura.
Dans la foulée, le Premier ministre, accompagné de la ministre Retailleau, s’invite au CA de Sciences Po pour faire la leçon à ses membres sur la « dérive » ou le « pourrissement » qui affecterait l’établissement.
Pendant ce temps-là, le même gouvernement qui accuse les manifestants pro-palestiniens d’importer le conflit en France l’entretient au Proche Orient en livrant des armes à Israël.
Ce n’est pas la première fois que le pouvoir politique s’estime en droit de déterminer ce qui doit être enseigné, exprimé ou débattu dans les enceintes universitaires à propos de Gaza : courrier de la ministre (voir ici), interdiction d’un débat à Lyon 2 (voir ici), collègues spécialistes qui se trouvent pris à partie pour des réflexions ou positions jugées non conformes au discours officiel (voir ici la tribune de plus de 1350 d’entre eux).
Que cherche donc le gouvernement en l’occurrence ? Il s’agit manifestement :
- d’utiliser des polémiques montées de toute pièce autour d’enseignements ou de débats organisés dans des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche pour tenter de remettre en cause les libertés académiques et les franchises universitaires ;
- d’imposer à toute force l’idée que toute position en faveur des droits, ou même de la survie, des Palestiniens serait assimilable à de l’antisémitisme, et de criminaliser l’anti-sionisme, c’est-à-dire l’opposition au colonialisme qui frappe les palestiniens.
Face à cette offensive, FO ESR revendique le plein respect des libertés académiques, des franchises universitaires, l’indépendance des universitaires et chercheurs, qui protège leur liberté d’enseignement et de recherche contre tout pouvoir, la pleine et entière liberté d’expression dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, sur tous les sujets, dans les limites fixées par la loi.
FO ESR se déclare solidaire des universitaires et des étudiants qui, dans de nombreux pays, s’opposent à la guerre menée par Israël et au soutien que lui apporte leur propre gouvernement. Eux aussi sont souvent accusés d’antisémitisme et réprimés, comme aux Etats-Unis, où les présidentes des universités de Harvard et de Pennsylvanie ont été forcées à la démission pour ne pas avoir interdit des manifestations de solidarité avec les Palestiniens.
FO ESR réitère également ses revendications concernant la situation au Proche-Orient :
-> Cessez-le feu immédiat !
-> Arrêt des bombardements !
-> Levée du blocus !
-> Arrêt des livraisons d’armes à Israël !
et apporte tout son soutien aux mobilisations étudiantes en ce sens.
Et Sciences Po dans tout cela ? Cette prestigieuse école, déjà déstabilisée par d’autres polémiques, des changements récurrents dans son équipe de direction et la dégradation consécutive du collectif comme des conditions de travail, ne mérite-t-elle pas mieux que l’instrumentalisation polémique des mobilisations étudiantes ?
Ce n’est pas de leçons de morale ou d’un cacique autoritaire dont Sciences Po a besoin, c’est d’une gouvernance suffisamment stable, respectant toutes les libertés et tous les droits des personnels comme des étudiants, rassemblant les moyens nécessaires pour continuer à dispenser un enseignement de qualité.