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FO ESR


Plate-forme « trouvermonmaster.gouv.fr » : un nouveau « Parcoursup » pour accompagner la pénurie

597 089 jeunes ont décroché leur bac l’année dernière. 488 071 ont accepté une proposition de Parcoursup : 109 018 bacheliers n’ont donc pas, en 2021, intégré l’enseignement supérieur par ce biais. Parmi eux 34 503 se sont inscrits sur Parcoursup et n’ont reçu aucune proposition d’affectation. 34 597 ont reçu des propositions mais ne les ont pas acceptées.

Difficile de deviner ce qui se trouve derrière chacune de ces situations individuelles : découragement devant la complexité de la procédure, admission dans une des formations de plus en plus rares qui ne sont pas inscrites sur Parcoursup, abandon suite à un manque légitime de confiance dans la capacité de la commission rectorale (CAES) de fournir une proposition correspondant un tant soit peu aux souhaits… Une chose est certaine : Parcoursup n’a apporté aucune solution qui réponde aux attentes, même de manière imparfaite, pour près d’un bachelier sur cinq. Et, parmi ceux-là, combien ont juste abandonné leur droit à poursuivre des études dans l’enseignement supérieur ? C’est un chiffre que le Ministère ne communiquera pas.

La tradition universitaire, rejointe par la législation, est que le diplôme atteste d’un niveau académique, suffisant pour accéder aux études en vue d’obtenir le diplôme suivant. Remettre en question ce principe, c’est faire des diplômes des bouts de papier : si l’Université même n’en reconnaît pas la valeur en accordant le droit de poursuivre les études, pourquoi quiconque d’autre (à commencer par de futurs employeurs) le ferait ?

C’est un processus largement entamé avec le baccalauréat, attaqué par des années de réformes menées par les gouvernements successifs, avec un basculement opéré par le « bac Blanquer », passé par établissement, sur la base du contrôle continu. Après les DUT, dont la transformation en BUT s’accompagne officiellement d’un objectif chiffré de non-poursuite d’études, c’est maintenant au tour des licences de se voir retirer leur reconnaissance avec la poursuite d’études de droit en master.

Depuis 2016 en effet, par un accord du ministère avec des organisations syndicales, accord auquel FO s’est opposé, il est possible de battre en brèche le principe inscrit dans la loi, selon lequel « Les formations du deuxième cycle sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle » (art. L 612-6, al. 1), en restreignant l’accès en master par fixation de « capacités d’accueil » pour chaque master.

En introduisant trouvermonmaster.gouv.fr, le gouvernement franchit un cap, en systématisant la restriction des capacités d’accueil à l’échelle nationale, c’est-à-dire en généralisant l’exclusion de l’Université de diplômés de licence.

Pour l’instant en effet, la grande majorité des diplômés de licence qui le désirent parviennent à trouver une place en master ; trop souvent dans de mauvaises conditions, dans une université autre que celle qu’ils désiraient ou dans une spécialisation différente de celle qu’ils ambitionnaient, mais peu se trouve rejetés hors de l’Université. Les résultats de Parcoursup sont là pour montrer que le pire est à redouter de trouvermonmaster.gouv.fr, qui offrirait de plus une plate-forme publicitaire à toutes les lucratives formations privées d’enseignement supérieur.

Sous la pression des étudiants inquiets, le Ministère a repoussé d’un an la mise en place de la réforme. Mais elle n’est pas retirée !

Pendant des années, nous avons connu, au nom du plan licence, la pression à la baisse sur le niveau des enseignements. Derrière les discours du Ministère, relayés par les Présidents, nous expliquant que nos cours étaient d’autant meilleurs qu’ils permettraient aux étudiants de valider leurs années — et que le financement des formations serait proportionnel à leur qualité ainsi mesurée — on nous a obligés à baisser les exigences, à réduire toujours le nombre de redoublements. Et maintenant, au nom de l’excellence, on nous demande de faire sortir ces étudiants de l’Université en sélectionnant ! En fait d’ « excellence », il s’agit de diminuer les coûts.

Le nombre d’étudiants par enseignant, qui avait baissé de 1997 à 2007 (année, difficile d’y voir un hasard, où a été votée la loi Pécresse d’autonomie des Universités), a dépassé son niveau de 1997 : plus de 31 étudiants par enseignant statutaire en 2018 ! Nous avons maintenant largement dépassé les niveaux de 1997. Et, pour autant, la situation n’est pas comparable à celle de 1997 : le manque toujours plus criant de personnels administratifs a amené à transférer une part croissante de leurs tâches à des personnels enseignants, en échange de décharges bien maigres (et bien moins coûteuses que les personnels supprimés), et qui amputent d’autant le potentiel d’enseignement.

Une masse sans cesse croissante d’enseignements est assurée par des enseignants contractuels ou sous forme de vacations ou d’heures complémentaires, mais même ceci ne suffit pas à couvrir les besoins toujours croissants. L’Université ne peut donc plus assurer tous les cours auxquels les étudiants ont droit. La logique formelle offre deux solutions : augmenter les capacités d’enseignement de l’Université… ou s’attaquer aux droits conférés par les diplômes nationaux. Clairement, le Ministère a choisi cette deuxième solution.

Pour FO ESR, la reconnaissance des diplômes universitaires implique de garantir à tout étudiant la possibilité de poursuivre ses études dans le cycle supérieur de la même discipline. Or l’obligation pour tous les établissements de définir des « capacités d’accueil » à l’échelle du territoire national fait disparaître concrètement cette possibilité, en particulier pour les plus modestes.

La sélection que prévoit le Ministère, c’est la gestion d’une pénurie d’enseignants donc d’enseignements, qu’il s’apprête à aggraver.

⇒ Non à la plate-forme trouvermonmaster.gouv.fr ! Respect des diplômes universitaires nationaux : une place dans la spécialité de master de son choix dans sa discipline et dans une université de son académie pour tout titulaire d’une licence !

⇒ Retrait de la loi ORE, de la plate-forme Parcoursup et de tous les dispositifs restreignant l’accès à l’enseignement supérieur public ! Retour au Bac comme diplôme national ouvrant le droit à une place dans la discipline de son choix !

⇒ Retrait des autorisations de délivrance des grades universitaires par les établissements privés !

⇒ Recrutement, en commençant par la titularisation des contractuels en place :

  • des enseignants statutaires nécessaires pour assurer tous les enseignements auxquels les étudiants ont droit !
  • des personnels administratifs statutaires nécessaires à l’organisation de ces enseignements !

Montreuil, le 24 janvier 2022