Réforme du CNESER disciplinaire : FO ESR vote contre !
Le projet de décret relatif à la formation disciplinaire du conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER disciplinaire) et aux sections disciplinaires compétentes à l’égard des enseignants-chercheurs et des personnels exerçant des fonctions d’enseignement a été présenté lors du CSA MESR du 11 mai.
Déclaration FO ESR au CSA ministériel du 11 mai
Ce projet de décret met en œuvre les dispositions de l’article 33 de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, prévoyant principalement que :
- Le CNESER disciplinaire est présidé par un conseiller d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État, et non plus par un professeur des universités
- La fonction de rapporteur de la commission d’instruction peut être confiée par le président du CNESER disciplinaire à un magistrat des juridictions administratives et financières.
Il a fallu plus de trois ans pour que ces dispositions viennent à être mises en œuvre : c’est le résultat de la très forte opposition qu’elles rencontraient chez une grande majorité de collègues.
Quelques dispositions du décret d’application, relatives aux règles procédurales de l’instruction des dossiers, aux conditions d’octroi du sursis à exécution, aux modalités d’informations des parties, vont certes dans le bon sens et répondent à nos demandes en ce domaine.
Les mesures annoncées ne règlent cependant en rien les problèmes de violences sexistes et sexuelles, prétexte allégué à la réforme. Elles ne pallient en rien le manque récurrent des moyens alloués à la juridiction. Elles ne remédient en rien aux méconnaissances du droit procédural qui marquent trop souvent des décisions de commissions disciplinaires locales.
Surtout, en modifiant la composition du CNESER disciplinaire, cette réforme met fin à la franchise juridictionnelle des universitaires, c’est-à-dire au droit accordé aux universitaires de n’être jugés, dans l’exercice de leur profession, que par leurs seuls pairs.
Ce droit n’est pas un privilège, il est une expression fondamentale de l’indépendance des universitaires, qui ne sont soumis à aucun pouvoir hiérarchique et ne peuvent donc être jugés, dans l’exercice de leur profession, par un quelconque pouvoir.
Et cette indépendance des universitaires est elle-même la garantie première des libertés académiques : la liberté d’enseignement, la liberté de recherche, la liberté d’expression, en ce dernier cas dans comme hors de l’enceinte universitaire, tant il est vrai que l’exercice du magistère universitaire ne s’abolit pas lors du franchissement des enceintes.
S’attaquer au CNESER disciplinaire en imposant la présence en son sein de représentants du pouvoir par excellence, celui de l’État et de ses « conseillers » attitrés, c’est donc s’attaquer à un principe fondamental de liberté, qui s’est affirmé au fil des siècles comme une condition indispensable de la progression des connaissances pour l’avantage de tous.
FO ESR votera en conséquence contre ce projet de décret et sera extrêmement vigilant quant à la protection des libertés académiques et de l’indépendance des universitaires au sein du nouveau CNESER disciplinaire.
Compléments à propos de la discussion du projet :
Des amendements divers et nombreux ont été présentés.
Quatre amendements présentés par FO ESR ont recueilli l’accord de tous et un avis favorable de l’administration :
- accord sur la représentation des parties de même que de la personne poursuivie par « un ou plusieurs conseils » plutôt que seulement par un avocat, comme c’était le cas dans la rédaction initiale, ce qui permet aux parties de se faire représenter par un représentant syndical, par un avocat, ou par les deux à la fois ;
- accord sur la suppression de l’entame de phrase selon laquelle la commission d’instruction se réunit « sous l’autorité du président » (qui sera donc désormais un conseiller d’État) ;
- suppression de la possibilité pour le recteur de région de poursuivre « à son initiative », c’est-à-dire de se saisir des affaires par-dessus les universités.
FO ESR a par ailleurs voté pour des amendements d’autres organisations syndicales qui allaient dans le sens d’un rétablissement de la collégialité, avec en particulier un rôle plus important donné au vice-président (qui est un professeur des universités). Tous ces amendements ont été refusés par l’administration.
Enfin une disposition sans aucun rapport avec l’objet de ce projet de décret, et qui prévoit que soit étendue aux EPA la possibilité donnée aux EPSCP (universités) d’interdire l’accès des locaux à des personnels ou des usagers a suscité de nombreuses critiques de la part de l’ensemble des organisations syndicales présentes, hormis l’UNSA. Outre que c’est un « cavalier » dans le texte concerné (position de la CFDT), il s’agit en fait de pouvoir exclure, au moins temporairement, des personnels ou des usagers considérés comme « gênants » et il a été très explicitement fait référence, dans les explications de l’administration, aux mobilisations en défense des revendications. C’est donc très clairement un ajout qui va dans le sens d’une répression accrue des personnels ou des étudiants mobilisés. FO ESR a voté pour l’amendement demandant la suppression de cette disposition, amendement qui a recueilli une majorité de votes « pour » mais a été refusé par l’administration.
* Vote sur l’ensemble du projet de décret, incluant les amendements retenus par l’administration : FO ESR a voté contre le projet de décret, de même que la CGT-FERC, la FSU et SUD. La CFDT s’est abstenue. L’UNSA a voté pour.